Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris

Robert Nava

Né en 1985 à Chicago, Robert Nava présente une peinture audacieuse associant créatures fantastiques et facture héritée de la « bad painting » américaine. Installé à New York après avoir obtenu le prestigieux Master of Fine Arts de Yale, Nava déploie une œuvre virtuose peuplée d’animaux surnaturels et de monstres divers.

Fantômes, loups-garous, dragons, sorcières et créatures hybrides (chat-tigre, requin à deux têtes) sont les héros de ses grandes toiles aux couleurs électriques. Le caractère potentiellement dangereux ou menaçant de ces créatures se trouve radicalement contredit par la technique adoptée par l’artiste : avec humour, ce dernier assume un style librement inspiré des dessins d’enfants et de l’esthétique du graffiti. « C’est un peu naïf, mais je garde le contrôle » explique Nava, décrivant ses œuvres comme « soigneusement mal faites ». Peintes de manière grossière mais hautement expressive, ses toiles rejoignent la tradition de la « bad painting » théorisée en 1978 par Marcia Tucker comme un art « à la fois drôle et émouvant, souvent scandaleux dans son mépris pour les standards du bon goût ».

Oscillant, selon ses propres mots, entre le bienveillant et l’effrayant, Nava présente une œuvre à la fois grotesque et ludique. Issues de l’univers des contes, ses créatures en évoquent surtout les adaptations hollywoodiennes ou folkloriques, sans toutefois nier leur violence latente. Le Speartooth Rain Maker présenté en donation au MAM est parfaitement représentatif de cette ambition. Motif récurrent dans l’œuvre de Nava, le féroce prédateur aux rangées de dents redoutables ne peut manquer d’évoquer le terrifiant film de Spielberg ; mais le requin devient ici un gros poisson inoffensif sinon attendrissant, une créature magique capable de flotter dans le ciel et de faire tomber la pluie. Peint à l’acrylique, le tableau se trouve réhaussé de passages au crayon gras lui conférant un aspect chatoyant, témoignant du plaisir manifeste de l’artiste à travailler ses surfaces et à combiner différents types de matières.

Généreuse et inventive, la peinture de Nava prend sa source dans une pratique rituelle du dessin : « tous mes matins je dessine dans mon carnet et, à partir de là, quelque chose se développe. Même quand je n’ai pas d’idée, je peux commencer à gribouiller [...] et en général quelque chose finira par advenir », explique-t-il. La musique techno diffusée dans l’atelier constitue une autre source majeure d’« énergie » destinée à stimuler la créativité et l’audace de l’artiste. Il en résulte une peinture à la fois rigoureuse et très libre, loin de toute formule figée.

Le tableau offert en donation au MAM est un excellent exemple de la pratique artistique de Nava, dont l’œuvre singulière commence à s’imposer sur la scène internationale. Représenté notamment dans les collections de l’Art Institute of Chicago et de l’ICA Miami, Nava a déjà participé à de nombreuses expositions, et est désormais représenté par la Pace Gallery. Speartooth Rain Maker est offert au MAM par Sébastien Janssen, dont la galerie bruxelloise Sorry We’re Closed vient de consacrer une exposition monographique à l’artiste.

Robert Nava (1985)

Speartooth Rain Maker, 2020

Acrylique et crayon gras sur toile

228,6 x 182,8 cm