Decorum - Tapis et tapisseries d'artistesPower Station of Art de Shanghai
Du au
Decorum présente plus d’une centaine de tapis et de tapisseries d’artistes modernes et contemporains internationaux (de William Morris à Franz West ou Ding Yi) : des pièces tissées souvent insoupçonnées de figures majeures ou encore méconnues. Ces œuvres signées, aux statuts et techniques variés (pièces uniques, multiples, déléguées, ready-mades), côtoient des pièces anonymes (de différentes époques et régions du monde) pour souligner les influences et engager des confrontations.
En Europe, l’âge d’or de la tapisserie s’étend du Moyen Age au XVIIIe siècle, comme manifestation du pouvoir et de la grandeur royale, placée au-dessus de tous les arts, avant de décliner et d’être perçu comme mineur, féminin et traditionnel. Au XXe siècle, cependant, le tapis et la tapisserie regagnent de la noblesse, incarnant pour les artistes une troisième voie, entre art et design, peinture et sculpture (Lurçat, Picasso, Le Corbusier): un art souple, aux avant-gardes de l’abstraction (Kandinsky, Sonia Delaunay, Miró) puis de l’installation (Jonh M Armleder, Mike Kelley). Souvent porteurs d’un message politique ou féministe à partir des années 1960 (Jagoda Buić, Annette Messager), au moment de la Nouvelle Tapisserie, ces objets – à la fois visuels et tactiles – suscitent aujourd’hui un intérêt sensible auprès d’artistes internationaux assumant un retour à l’artisanat et au décoratif que l’on peut qualifier de « néo craft » (Michael Beutler, Grayson Perry, Pae White).
En Asie, la tradition est toute autre : si la Chine ancienne est connue pour avoir inventé le métier à tisser et le fil de soie, et pour être le point de départ de la Route de la Soie, les tissages étaient surtout réalisés pour les vêtements (ainsi le kesi de Phenix et Oiseaux de la dynastie Ming ) et la décoration de tables d’exception. La présence de tapis dans les intérieurs n’a rien de fréquent en Chine. Exceptionnels cependant, les sublimes tapis de la période Qing (1644-1911) à décors de plantes et d’animaux polychromes, puis ceux des tribus mongoles qui en firent au XVIIIe de nombreux présents à l'empereur K'ien-long, ou encore les tapis « Art déco Shanghaïens » des années 1930. Aujourd’hui, la production de tapis émane surtout de régions d’Asie Centrale, comme les très beaux feutres dont s’inspirent certains artistes (Aniwar). Première ville productrice de textiles en Chine, Shanghai est aussi la première ville à entrer dans l’ère industrielle avec l’établissement de l’Administration de filature et de tissage mécanique de Shanghai en 1878.
Grande figure de la Nouvelle Tapisserie, Maryn Varbanov (artiste bulgare ayant fondé le département tapisserie à HangZhou aujourd’hui dirigé par Shi Hui) a durablement infléchi l’art contemporain chinois qui, comme ailleurs, se distingue par un intérêt renouvelé pour le textile (Hu Xiao Yuan, Yin Xiu Zhen).
Le parcours de l’exposition renvoie à l’histoire de l’art mais aussi aux spécificités du médium tissé. Jean-Philippe Antoine, professeur d’esthétique à Paris, diffuse une programmation de «musique d’ameublement», en fond sonore de l’exposition. Des pièces textiles, de couturiers et designers contemporains, complètent l’ensemble (Vivienne Westwood, Maison Martin Margiela, Bless ou Qiu Hao). L’exposition va ainsi à l’encontre des idées reçues reléguant la tapisserie et le tapis à un art secondaire ou anachronique.
Cette exposition a été organisée par le Power Station of Art et le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris où elle a été présentée en 2013.
Commissaires de l’exposition : Anne Dressen et Gong Yan