Donation d'œuvres de Georg Baselitz
Du au
En 2020, le musée a reçu un don exceptionnel de six œuvres de Georg Baselitz, témoignant ainsi des liens privilégiés que le musée entretient avec l’artiste depuis la grande rétrospective en 1997, puis l'exposition Baselitz sculpteur en 2011.
Né en 1938 à Deutschbaselitz en Saxe, l’artiste commence sa formation de peintre en RDA. Très critique à l’égard du régime politique, il se fait exclure de l’école des Beaux-Arts de Berlin-Est et passe en 1957 à Berlin-Ouest pour y poursuivre sa formation. Dans un contexte de fortes divisions idéologiques, son œuvre témoigne dès ses débuts d'un esprit de révolte. Baselitz décide en 1969 d’inverser ses images pour affirmer la primauté de la peinture pure sur le sujet, brouillant ainsi les pistes entre figuration et abstraction. Ce geste lui permet en effet de libérer la peinture à l’égard de l’objet à représenter. Il se distingue ainsi de ce que l’on réduit trop facilement à de « la peinture allemande » - à savoir à de l’expressionisme.
Représentatif de la carrière de l’artiste depuis quarante ans, chaque tableau de la donation renvoie par son motif à une étape essentielle de son travail : l’arbre, qui fut le thème de sa première image retournée ; le Remix, une réactualisation de sa peinture au succès scandaleux, La grande nuit foutue ; plusieurs têtes, sujet préféré de l’artiste dès ses débuts et enfin, une œuvre de la série consacrée à Sigmund Freud.
Ces œuvres complètent les deux déjà présentes dans les collections du musée : L'Autoportrait à la tache bleue (1996) acquise par les Amis du Musée après la grande rétrospective consacrée au peintre en 1997, et Ma mère, Madame Cézanne (1996) offerte par l'artiste en 2011.
Commissaire : Julia Garimorth
Julia Garimorth, commissaire de l'exposition, vous emmène au coeur des oeuvres de Georg Baselitz.
La tête d’Abgar, 1984
Huile sur toile
162 x 130 cm
Collection du Musée d'Art Moderne de Paris
© Georg Baselitz 2020 Photo: Jochen Littkemann, Berlin
Der Abgarkopf (La Tête d’Abgar), 1984, fait partie d’une série de peintures à sujets religieux réalisées entre 1983 et 1985. Elles traitent de la légende du roi Abgar d’Edesse qui demanda un portrait de Jésus pour guérir d’une maladie. La légende existe sous différentes versions.
Baselitz souhaitait peindre des tableaux dans lesquels la lumière viendrait de l’intérieur et sans ombre comme dans les icônes.
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M’sieur docteur ami / Freud de l’art, 2011
Huile sur toile
261 x 310 cm
Collection du Musée d'Art Moderne de Paris
© Georg Baselitz 2020 Photo: Jochen Littkemann, Berlin
Cette œuvre fait partie d’un ensemble de sept peintures réalisées par Baselitz au printemps 2011 et qui furent présentées la première fois dans l’exposition organisée au musée du 30 septembre au 29 janvier 2012, Baselitz sculpteur. Son titre-valise intraduisible renforce l’énigme d’une peinture soucieuse de ne rien dévoiler sinon elle-même et de faire « voir sans comprendre ».
La figure, renversée, frontale et côte à côte, est un pseudo-portrait, où il est question de Sigmund Freud et d’art. Grimaçantes, ces figures renvoient à une source bien identifiée, celle des têtes d'expression photographiées du XIXè siècle. Les visages sont dédoublés, une bande noire les sépare et unit à la fois et, à la manière d’un test de Rorschach, renvoie, à l’inconscient, à la sexualité, aux réminiscences enfantines.
Imprimer la noticeLa grande pisse (Remix), 2007-2008
Huile sur toile
250 x 200 cm
Collection du Musée d'Art Moderne de Paris
© Georg Baselitz 2020 Photo: Jochen Littkemann, Berlin
Depuis l'automne 2005, Baselitz a entrepris une nouvelle série de tableaux qu'il intitule Remix. « J'ai emprunté le concept du remix à la musique. Il ne s'agit pas de faire des variations, mais de réactualiser un motif en lui donnant un nouveau rythme »
Dans Remix, Baselitz réinterprète d'importants tableaux des années 1960-1970. Au départ Die grosse Nacht in Eimer (La Grande Nuit foutue) saisi pour outrage public lors de sa première exposition personnelle à Berlin-Ouest en 1963 car il représente un garçon en culotte courte exhibant un pénis surdimensionné.
Ces variations sont réalisées sur des toiles de plus grand format qu’autrefois, qu'il peint avec une grande rapidité. Les larges coups de brosse, les couleurs vives, le trait noir fin contrastent avec les toiles anciennes sombres et épaisses.
Dans la reprise d’anciens thèmes, se révèle la réflexion d'un artiste sur le temps qui passe, d’autant plus qu’ici, un crâne vient se substituer au rocher sur lequel s’appuyait le garçon du tableau de 1963 : « au fil de notre vie, on se remplit de choses vécues, on entasse tant d'odeurs de voyages ou de réminiscences. Parfois, cela peut être agréable, mais, avec l'âge, ce retour aux événements devient, pour moi, de plus en plus difficile. Je cherche et je ne trouve pas... C'est comme un oubli en progression. Pour mes tableaux, je fais donc comme n'importe qui pour me souvenir en regardant des photos passées. Je fais revivre mes tableaux, mais d'une autre manière. »
Imprimer la noticeTête, 1993
Huile sur toile
130 x 97 cm
Collection du Musée d'Art Moderne de Paris
© Georg Baselitz 2020 Photo: Jochen Littkemann, Berlin
Testa suit de près la série précédente à laquelle appartient Bruna, et dont elle constitue une variante. Le titre en italien indique que cette peinture a été réalisée dans l’atelier que Baselitz possède à Imperia depuis 1987. Cette tête, l’un des sujets les plus fréquemment traités, est cette fois-ci, plus elliptique et plus colorée ; elle conserve toutefois la structure de Bruna, fondée sur le recouvrement, un mode de travail habituel chez Baselitz, notamment depuis la série des Bildübereins (Tableau-sur-l'autre) en 1991. On devine des traces de peinture verte sous-jacentes au fond beige largement tracé à la brosse, tandis que le réseau de lignes dynamiques donne au tableau une sensation de rapidité, accentuée par le traitement elliptique de la tête avec cinq taches noires dessinant grossièrement un visage. Quant aux pois colorés qui parsèment la surface, il est difficile de ne pas penser aux points du dernier Picabia, artiste de référence pour Baselitz.
Imprimer la noticeBruna, 1992
Huile sur toile
130 x 97 cm
Collection du Musée d'Art Moderne de Paris
© Georg Baselitz 2020 Photo: Jochen Littkemann, Berlin
En 1992, Baselitz entreprend une série de tableaux représentant des têtes féminines à l’envers, majoritairement en noir et blanc. Certaines ont été peintes dans son atelier d’Imperia (d’où le titre en italien). Les lignes souples sont grattées dans une fine couche de noir de façon à révéler le blanc d’une couche d’enduit sous-jacent. Réalisé par enlèvement, un visage de femme à l’envers se dessine alors sur ce fond noir. Enfin, sur ce réseau, Baselitz superpose quatre ou cinq taches de peinture épaisse et blanche.
Celles-ci évoquent la forme d’un crâne avec ses différentes cavités, et l’ensemble devient sujet à des variations visuelles. « En apparaissant au-dessus de sa propre peau ce crâne produit une perspective anamorphosée » (Richard Schiff). Ces œuvres s’inscrivent dans la tradition de la vanité mais ne restent pas soumises à une composition immobile
Les ambiguïtés de l’image sont accentuées par la présence de toile non peinte dans l’angle inférieur droit pouvant évoquer un profil. Ces éléments servent de fond à l’évocation du crâne qui évolue dans un espace imaginaire en se projetant vers l’avant et crée un effet de profondeur de champ
Ce « chassé croisé de sensations et de sentiments » se retrouve dans les œuvres sculptées contemporaines de ces peintures dans lesquelles les traits peints du visage sont décalés par rapport à la forme sculptée.
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