Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris

Josephsohnvu par Albert Oehlen

Pour la première rétrospective en France consacrée au sculpteur suisse Hans Josephsohn (1920-2012), le Musée d’Art Moderne de Paris confie le commissariat artistique à Albert Oehlen qui propose une exploration libre de l’œuvre de l’artiste. Albert Oehlen, né en 1954, est un artiste majeur qui a contribué au renouvellement de la peinture allemande dans les années quatre-vingt. Une exposition lui a été consacrée au Musée d’Art Moderne en 2009. Admirateur de Hans Josephsohn, il découvre son travail au Kesselhaus Josephsohn de Saint-Gall où il réside. Ce lieu dédié aux œuvres du sculpteur est à la fois un espace de monstration et de conservation d’où provient la majeure partie des sculptures prêtées pour l’exposition. En interrogeant le processus créatif de Hans Josephsohn - le dialogue avec la matière, l’expérience du geste, le détail et l’inlassable recherche - en résonance avec ses propres investigations, Albert Oehlen livre une expérience artistique et vivante de sa sculpture. L’œuvre de Hans Josephsohn fascine les artistes par la puissance de son langage plastique. Peter Fischli et David Weiss figurent parmi ses premiers soutiens, et, en 2007, Ugo Rondinone montre plusieurs nus couchés au Palais de Tokyo dans son exposition "The Third Mind".

Biographie de l’artiste :
L’intensité de l’œuvre de Josephsohn trouve son origine dans la vie de l’artiste tourmentée par l’histoire, et une vocation qui va l’enraciner dans son atelier durant plus de soixante ans.
Né en 1920 à Königsberg (actuelle Kaliningrad russe), qui était alors la province allemande de Prusse orientale, Hans Josephsohn grandit dans les années trente au sein d’une famille juive. Témoin de la montée du nazisme et des persécutions, il conserve toute sa vie les traces de ce traumatisme. Très tôt attiré par la sculpture, il se voit refuser l’accès à une école d’art en raison de son origine. En 1938, il obtient une bourse artistique à Florence, mais, à l’automne de la même année, la promulgation des lois raciales l’oblige à fuir précipitamment l’Italie

Arrivé en Suisse, il s’installe dans la ville de Zurich où il réside jusqu’à sa mort, en 2012. Peu après son arrivée, Josephsohn peut compter sur le soutien d’Otto Müller (1905-1993), un sculpteur suisse qui lui ouvre les portes de son atelier. Les années de guerre sont éprouvantes, il est retenu temporairement dans un camp de réfugiés. La sculpture reste son ancrage, il s’installe dans son premier atelier en 1943 et dès lors travaille sans relâche. L’atelier est son territoire, le lieu de dialogues intérieurs avec ses œuvres, le théâtre des liens noués et dénoués avec ses modèles.
Considéré en Suisse comme l’un des artistes les plus importants d’après guerre, il reste longtemps méconnu à l’étranger. Au gré de rencontres déterminantes, il bénéficie, à partir des années 2000, d’une notoriété grandissante. Le Stedelijk Museum d’Amsterdam lui consacre, en 2002, la première rétrospective hors de Suisse et d’Allemagne.

Josephsohn concentre son champ d’investigation sur la figure humaine, principalement féminine, qu’il décline en têtes, bustes, figures debout, figures assises et figures allongées, souvent de grand format. En parallèle, il modèle des reliefs dans différentes échelles, qui se distinguent des figures hiératiques par leur aspect narratif : deux, parfois trois personnages incarnent des saynètes, au sein d’une architecture à peine ébauchée. Les reliefs ne sont pas sans rappeler la richesse de la sculpture romane indissociable de l’architecture, que Josephsohn affectionnait tout particulièrement. 

Le plâtre est sa matière de prédilection, parfois coulé en bronze et plus souvent en laiton. La malléabilité de ce matériau lui permet de faire émerger les formes par touches, par ajout et retrait de matière, jusqu’au point d’équilibre. Hans Josephsohn ne cherche pas à imiter le réel bien que certains détails permettent, surtout à ses débuts, d’identifier les traits d’un modèle. Ses sculptures incarnent une présence, l’essence d’un être, l’intensité d’un moment, car pour Josephsohn, la forme n’a jamais été le but ultime.  

Le parcours de l’exposition :
Le parcours chronologique permet de suivre à travers trois périodes stylistiques, une production artistique oscillant entre figuration et abstraction. 

Années 1950 : Une simplification des formes
À la fin des années 40, ses débuts sont caractérisés par une épuration de la forme et une géométrisation. Cette période est marquée par sa rencontre, en 1943, avec Mirjam Abeles qui devient son modèle puis son épouse en 1954. Dans la création artistique d’aprèsguerre, où l’abstraction domine les avant-gardes, Josephsohn reste attaché à une certaine figuration, distanciée du modèle qui pointe des convergences avec l’Antiquité, et en particulier avec l’Art Égyptien -funéraire et symbolique- et, qui par son intensité, rappelle les œuvres d’Alberto Giacometti.

Années 1960-1970 : Le corps incarné
Les années soixante marquent un tournant dans la sculpture de Josephsohn, qui se traduit par une massivité, une incarnation des corps. C’est aussi l’époque où sa vie personnelle bascule : une jeune modèle, Ruth Jacob devient sa compagne. Si cette relation trouve des échos dans une forme de réinvestissement du corps humain plus traditionnelle, la figuration de Josephsohn emprunte d’autres chemins pour poursuivre l’exploration de la matière. À cette époque, il ne cache pas son admiration pour Aristide Maillol, bien que ses œuvres s’en distinguent par le traitement des surfaces, l’expressivité du modelage et un certain hiératisme. Cette période est annonciatrice d’une transformation profonde qui va engendrer un troisième sursaut formel à l’aube des années quatre-vingt. 

Années 1980 : Aux limites de l’abstraction
Josephsohn trouve un vocabulaire plastique dont il ne va plus se départir et creuse le sillon d’une abstraction conservant quelques contours figuratifs de plus en plus lointains. La virtuosité et la vélocité du geste, tendent vers une vibration de la matière. Têtes, bustes et nus couchés changent d’échelle et gagnent en format. Ce renouveau coïncide en 1978, avec l’arrivée dans sa vie de sa dernière compagne et modèle Verena Wunderlin. La disparition de la figure libère un champ formel dont historiens et artistes pointent la proximité avec des éléments ou des objets marqueurs des origines : blocs géologiques et Vénus préhistoriques.

Josephsohn vu par Albert Oehlen :
Pour Hans Josephsohn, comme pour Albert Oehlen, la pratique est la voie de l’expérience. Ils sont l’un comme l’autre peu enclins à verser dans la théorie, à chercher du sens. En tant que commissaire artistique de l’exposition, Albert Oehlen fait le choix de s’abstenir de toute interprétation narrative pour concentrer son attention sur le processus créatif. Au-delà de la modernité de l’œuvre de Josephsohn, il souligne son héritage contemporain. Placée à la fin du parcours, une sculpture « totémique » de Rebecca Warren, artiste britannique née en 1965, issue de la collection du peintre allemand, montre dans le traitement du corps féminin d’évidentes affinités formelles avec l’œuvre du sculpteur suisse. 

Catalogue de l’exposition :
Un catalogue dirigé par Cornelius Tittel, rédacteur en chef de Blau International accompagne l’exposition et deux films complètent le parcours. Étayant le point de vue d’Albert Oehlen, une série d’entretiens menés par Cornelius Tittel donne la parole à des artistes de la scène contemporaine admirateurs de Hans Josephsohn. Un film historique, daté de 1977, du cinéaste suisse Jürg Hassler, livre une approche plus intime du sculpteur. 

L’exposition a été conçue en collaboration avec le Kesselhaus Josephsohn de Saint-Gall, Suisse.

Commissaire artistique :
Albert Oehlen, artiste 

Commissaires : 
Jessica Castex, commissaire d’exposition au Musée d’Art Moderne de Paris
Cornelius Tittel, rédacteur en chef de Blau International