Jacqueline de Jong
Née aux Pays-Bas en 1939 dans une famille juive, Jacqueline de Jong doit fuir son pays avec l’arrivée du nazisme. Ses parents sont collectionneurs d’art, et elle se familiarise tôt avec les œuvres des artistes de CoBrA.
Elle étudie l’histoire de l’art à la fin des années 1950 et devient l’assistante de Willem Sandberg, directeur du Stedelijk Museum. A la même époque, elle rencontre les idées de l’Internationale Situationniste en fréquentant artistes allemands du Gruppe SPUR, et par sa relation amoureuse avec Asger Jorn. Elle commence à participer aux activités du groupe, qui autour de 1961 discute avec Sandberg des possibilités d’une exposition situationniste au Stedelijk. Guy Debord l’encourage alors à développer l’implantation de l’IS en Hollande, mais elle préfère venir à Paris étudier la gravure dans l’Atelier 17. Elle commence à travailler à sa revue Situationist Times, dont le premier numéro paraît en 1962, au moment où elle ne fait plus partie de l’Internationale Situationniste, qui a écarté les artistes du groupe pour se tourner vers un activisme plus politique. Elle dirige cette revue jusqu’en 1967 tout en développant ses autres activités artistiques. Son art figuratif, expressionniste, utilise un bestiaire à la fois monstrueux et naïf, hérité de Cobra (Suicide Paintings, Accidental Paintings, Le Salau et les Salopards). Sa peinture emprunte aussi aux objets courants – paravent, miroir ou valise – en écho aux combine-paintings et au détournement situationniste. Après sa participation active aux événements de Mai 1968, et le durcissement des conditions de séjour des étrangers en France, elle retourne vivre à Amsterdam, et se sépare de Jorn.
C’est dans ce contexte qu’elle réalise à partir de 1971 une série d’œuvres qui prend la forme d’un journal intime. Impulsés par une commande de la revue Opus, ces diptyques ressemblent à des petites valises et s’exposent dépliés, mettant en regard textes et images, selon un même principe : sur le volet gauche se déploie un texte dans lequel l’artiste relate ses activités quotidiennes, intimes, artistiques, politiques ; sur le volet droit elle fait coexister des images prélevées dans le fil de l’actualité, journaux sportifs, événements télévisuels, guerres, violence, spectacles sadomasochistes. Mis en vis-à-vis, ces deux régimes – intime et spectaculaire – se confrontent, s’opposent et sont inexorablement contaminés l’un par l’autre.
Il s’agit d’une des réalisations les plus emblématiques de l’artiste, qui résonne avec de nombreux pans de la collection du Musée d’art Moderne de Paris. Le musée est en effet un lieu de conservation unique en France d’œuvres d’artistes liés au groupe CoBrA.
Outre les dons de Pierre Alechinsky en 1975 et 1981, le musée a bénéficié d’une donation importante d’œuvres de Pierre Wemaëre en 2011, ainsi qu’une donation d’œuvres de Karel Appel en 2015. L’œuvre de Jacqueline de Jong permet de témoigner de l’évolution de l’art hollandais post-CoBrA, et se met en relation avec l’émergence d’une génération d’artistes femmes qui prend la parole en revendiquant un récit à la première personne dans les années soixante et soixante-dix. À ce titre, le parallèle avec l’œuvre récemment acquise par le MAM de Dorothy Iannone A Fluxus Essay and an Audacious Announcement (1979), est particulièrement frappant. Ses Pommes de Jong, bijoux réalisés à partir de pommes de terre qu’elle cultive dans le Bourbonnais en France, ont été montrés dans l’exposition « Medusa » en 2017.
Jacqueline de Jong a récemment eu une rétrospective en 2018 au Musée des Abattoirs de Toulouse, ainsi qu’au Stedelijk Museum en 2019. Une autre grande exposition est prévue en avril.
Jacqueline de Jong (1939)
Circus pistol pointing to a boxing ringmark, 1973
Acrylique sur toile et bois
52 x 103 x 3,5 cm